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mercredi 20 janvier 2010

Algérie La marche des Amazighs


Algérie La marche des Amazighs

Malgré la répression, les intimidations et le terrorisme importé dans la région, 10.000 marcheurs sont allés jusqu’au bout de leur marche, assure le président du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie, Ferhat Mehenni. Le MAK entendait ainsi célébrer le nouvel an berbère et par la même occasion manifester sa détermination à poursuivre le combat. «La marche s’est bien déroulée mais nous restons sans nouvelles de 10 militants», indique le président. Le Mouvement va bien sûr demander des comptes et si les militants ne sont pas de retour, «il y aura plus de manifestations jusqu’à leur retour», promet-il. Ferhat Mehenni, célèbre chanteur et universitaire reconnu, était parmi les créateurs du parti le RCD, parti qu’il a quitté en 1995 lorsqu’il a senti que celui-ci était devenu «collaborationniste», explique-t-il. Il fallait donc inventer un autre cadre de militantisme et canaliser les revendications sociales kabyles. D’où le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie. Une lutte va commencer, ponctuée par des accès de répression qui ont laissé plus de 128 morts en 1995. C’est que le Mouvement est devenu une véritable force. Il a pu mobiliser plus de 120.000 personnes en avril 1980. L’anniversaire sera encore chaud. «Pour avril prochain, nous comptons faire descendre 200.000 personnes dans les rues», assure Ferhat Mhenni. Pour le pouvoir algérien ce sera un challenge. Il aura tout fait pour que la question kabyle ne dépasse pas les frontières d’une Kabylie marginalisée et confinée dans une séparation administrative factice. «La Kabylie n’existe pas pour le pouvoir, explique F. Mehenni. Elle est partagée entre plusieurs wilayas». Le pouvoir algérien, depuis Houari Boumediène, n’a jamais reconnu la culture kabyle. Ce qui a donné lieu au Printemps de Kabylie sévèrement réprimé. Plusieurs années plus tard, les Kabyles constatent qu’ils n’ont rien obtenu et que le pouvoir ne réalise rien des maigres engagements qu’il avait promis. «Nous tenons à notre autonomie», maintient le président de MAK qui ne conçoit pas l’autonomie en dehors du cadre d’une Algérie qu’il aime. Néanmoins, si le pouvoir continue à refuser toute discussion, il est fort probable que «le Mouvement se transforme en une autre revendication», avertit F. Mehenni qui n’exclut pas que cette revendication soit tout simplement une indépendance en bonne et due forme. Déterminé comme le sont tous les membres du Mouvement, F. Mehenni qui a été emprisonné 12 fois à cause de son militantisme risque encore gros. Il ne peut pas rentrer en Algérie et ses avocats essaient de savoir s’il fait vraiment l’objet d’un mandat d’amener, comme cela a été dit dans les médias algériens. Le 18 décembre dernier, il a été refoulé de Tunisie. Il n’a pas pu dépasser le contrôle de police et a été remis immédiatement dans un autre avion. F. Mehenni voulait juste rendre visite à sa mère (84 ans) qu’il n’avait pas vue depuis longtemps. Aussitôt, il y a vu un autre coup du pouvoir d’Alger. Si l’homme fait peur au pouvoir, c’est qu’il y a de quoi. C’est lui qui avait organisé le boycott scolaire en 1995 (les 128 morts). Il est aussi très populaire et les organisations internationales le connaissent bien et connaissent son combat.

La marche
Pour El Arbi Tayeb, le président du Conseil national du MAK, la marche à laquelle le mouvement a appelé s’est bien déroulée et a bien montré le degré d’organisation du MAK. Il y a eu, précise-t-il, plus de marcheurs à Vgayet qu’à Tizi Ouzou, mais c’était selon lui dû au fait que le mouvement avait organisé des conférences à Vgayet ce qui lui a permis de mobiliser plus. Pour préciser, le professeur universitaire, souligne que ce sont les étudiants qui ont pris en charge l’organisation de la manifestation qui a attiré des marcheurs de Boumerdès qui se situe à l’entrée d’Alger. Quel résultat donc ? El Arbi Tayeb estime que déjà, le mouvement a réussi à dépasser la peur. Puisque toute manifestation non officielle est interdite par le pouvoir central, les marcheurs ont pu, par leur acte pacifique, rétablir un droit, celui de manifester. Toutefois, insiste le président du Conseil national, il s’agit d’une «marche démocratique» dans la mesure où chaque citoyen était libre de la suivre ou pas. L’autre bénéfice de cette action est que le MAK est sorti de son isolement. Il est aujourd’hui un mouvement structuré avec des instances élues et une répartition des tâches entre les différents secrétariats. L’idée a germé en 2007 dans l’esprit du célèbre chanteur Ferhat Mehenni qui en est le président. L’autonomie pour les militants du MAK est une solution étant donné que «l’Algérie ne peut être gérée comme cela se fait actuellement», explique E. Tayeb qui distingue entre la régionalisation et l’autonomie. Pour lui, c’est cette dernière qui constitue la véritable solution tandis que dans la régionalisation, le pouvoir central maintient son emprise sur toutes les régions. A ce titre, l’exemple marocain constitue une référence utile. «En ayant le courage de créer la commission sur l’autonomie, le roi du Maroc a donné un exemple non seulement aux pays de la région mais c’est un exemple à suivre à l’échelle planétaire», estime le président du Conseil national du MAK. Il est dans ce cas en parfaite cohérence avec un article écrit par le président Ferhat Mehenni et dans lequel il fait une comparaison entre le Maroc et l’Algérie en ce qui concerne le traitement de la question de l’autonomie. «Dans son discours prononcé à Marrakech, à l’occasion du 10e anniversaire de son arrivée au Trône, Mohammed VI a réaffirmé sa volonté de faire bénéficier toutes les régions du pays de ce nouveau mode de gouvernance qui est l’autonomie élargie dont le Sahara va être le premier bénéficiaire», souligne le président du MAK. La comparaison avec l’Algérie suit aussitôt puisque l’auteur précise que «la Commission Sbih, chargée de proposer un schéma de régionalisation, a rendu ses conclusions depuis cinq ans. Bouteflika l’a jeté dans le tiroir des enterrements où gisent déjà le rapport Issad sur la refonte de la justice et celui de la Commission du même nom sur le «printemps noir» de 2001». Ferhat Mhenni trouve que ce contraste saisissant entre une monarchie populaire qui se démocratise et une «démocratie populaire» qui se fossilise «montre à lui seul qui est la famille qui avance et celle qui recule». Ayant fait ce constat sans appel, l’auteur en arrive à déceler «deux attitudes opposées : celle de dirigeant ayant l’amour de leur pays et ceux qui ont la haine de leurs peuples». C’est donc pour pousser les gouvernants «que nous subissons chez nous à aller dans le sens du progrès et de l’Histoire», que les Conseils Universitaires du MAK de Vgayet et de Tizi-Ouzou ont appelé à des marches dans ces deux capitales kabyles pour mardi 12 janvier 2010 à 10h. «Notre Mouvement fera de ce Yennayer un rendez-vous avec notre destin de liberté», promet Ferhat Mehenni.

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