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mardi 9 mars 2010

La Situation politique et sécuritaire au Nord

Deux pays ont apporté une contribution inestimable au FLN dans sa lutte pour libérer l'Algérie du joug colonial français : le Maroc et le Mali. Affranchi du protectorat français, le premier, sous le haut commandement de Sa Majesté le Roi Mohammed V, lui fournissait des armes et son territoire pour permettre aux fellaghas de se replier après leurs attaques ou actes de sabotages perpétrés contre les positions de l'occupant. Le second, qui venait d'accéder fraîchement à l'indépendance, n'avait pas d'armes à offrir aux combattants algériens, mais son territoire leur servait également de base de repli. Qui plus est, c'est par là que transitait, depuis le port de Conakry, l'armement généreusement octroyé par l'Union soviétique et convoyé par l'armée malienne jusqu'aux maquis algériens. L'actuel président de l'Algérie, Abdelaziz Bouteflika, portait le nom de guerre de "Abdelaziz le Malien " parce que chef de la zone de commandement sud, il avait son QG (quartier général) à Gao et c'est ce bâtiment, où il a vécu sept ans, qui abrite le consulat d'Algérie.

Seulement voilà : leur pays libéré en juillet 1962, les fellaghas eurent tôt fait de retourner leurs armes contre leurs bienfaiteurs. Presque concomitamment, la toute première rébellion touarègue dans la région de Kidal, derrière laquelle se profilait l'ombre des nouveaux maîtres de l'Algérie et la guerre des sables opposant l'Algérie et le Maroc éclatent. C'est pourtant le président Modibo Kéita qui, tout en s’efforçant de mâter le soulèvement touareg, fera la paix entre l'Algérie et le Maroc, à la faveur de la conférence de Bamako de 1963.


Un officier supérieur de l'armée malienne à la retraite, qui a fait le front lors de la première rébellion touarègue et est resté, depuis, un observateur vigilant de la situation au Nord-Mali, confie : " Sous les dehors d'une amitié irréprochable, d'une entente sans faille avec le Mali, l'Algérie a été constamment derrière toutes les rébellions dans la région de Kidal, depuis la première République, sous Modibo Kéita, à la troisième sous Alpha Oumar Konaré d'abord, ATT ensuite, en passant par la deuxième sous Moussa Traoré. Tous les stratèges militaires vous diront qu'une rébellion dans cette partie du pays est impossible sans l'appui de l'Algérie. C'est elle qui conçoit, finance, organise toutes les attaques armées dirigées contre le Mali pour se poser après comme médiateur ou réconciliateur. Plus faux et hypocrites que les Algériens, tu meurs "

La meilleure illustration est donnée par la double mutinerie qui s’est produite dans les garnisons de Kidal et Ménaka, le 23 mai 2006. Immédiatement après les attaques, l'état-major de Bamako a tenté de joindre celui d'Alger, conformément à des accords liant les deux pays, pour verrouiller la frontière algérienne afin d'accroître les chances des troupes maliennes de pourchasser et neutraliser les mutins. Pendant toute une semaine, silence radio. Durant cette période et bien plus tard, les insurgés des camps militaires de Kidal et de Ménaka, auxquels s'étaient joints des dizaines de jeunes gens désoeuvrés, recrutés par Ibrahima Ag Bahanga, se rendaient librement dans le sud algérien pour refaire leurs stocks de vivres, de carburant, d'armes de guerre et de munitions ou se faire tout simplement soigner dans les hôpitaux avec la générosité incommensurable des autorités algériennes. Conséquence de cette collusion entre l'Algérie et les insurgés, la signature de l'humiliant Accord d'Alger du 4 juillet 2006, ressentie comme une blessure profonde par tous les patriotes attachés à l'unité nationale, à l'intégrité du territoire et la souveraineté de la nation. Et pour cause : voici l'Algérie qui, après avoir mis à genou l'armée malienne face à une poignée de renégats, s'attribue la prérogative de participer directement et pleinement à la gestion d'une région du Mali sur tous les plans et dans tous les domaines : politique, militaire, économique, financier, social, culturel, etc.

L'Accord d'Alger fut pour le Mali ce que fut Canossa pour l'empereur Henri IV

Chantage

L'Algérie s'est toujours servie de la question kidaloise pour faire chanter les autorités maliennes. On ne sait pas avec exactitude si celle-ci a joué un rôle quelconque dans la reconnaissance par le Mali de la fantomatique " république arabe sahraouie démocratique " dans les années 80. Ce qui est certain, c'est que l'Algérie a entrepris, depuis un certain temps, d'utiliser le dossier de Kidal pour obliger le Mali à maintenir cette reconnaissance. L'observateur peu averti ne s'en est peut-être pas rendu compte ; mais la position du Mali a sensiblement évolué par rapport au Sahara dit occidental. Sous la deuxième République traoréenne, les émissaires du polisario et de la fameuse " RASD " défilaient régulièrement à Bamako, étaient reçus avec tapis rouge au palais et dans les ministères, se répandaient en déclarations interminables à la télévision. En somme, ils se sentaient aussi bien à l'aise à Bamako qu'à Alger, leur capitale d'adoption. Aux Nations Unies, à l'OUA, dans les fora tiers-mondistes, le vote du Mali s’alignait automatiquement sur celui de l'Algérie : en faveur de la " RASD " et contre le Maroc.

Les choses ont bien changé depuis l'effondrement de la dictature militaro-udépémiste et l'avènement de la démocratie. Le Mali, qui a résolu de pratiquer une politique d'ouverture sans exclusive, se veut ouvert à tous les vents fécondants pour sortir son économie du marasme et sa population de la misère. Il veut coopérer dans la paix, la bonne entente, la solidarité et l'intérêt réciproque avec tous les pays, à commencer par ceux de son espace naturel, la région sahélo-saharienne. Le Maroc fait partie de ces pays et la reconnaissance par le Mali de Moussa Traoré de la prétendue " RASD " a été une insulte aux liens séculaires entre les deux pays. C'est pourquoi Alpha Oumar Konaré d'abord, ATT ensuite, ont entrepris de corriger cette faute historique en normalisant les relations entre Bamako et Rabat. Une normalisation qui passe par l'abandon de la reconnaissance de la " RASD " par le Mali.

Pour le moment, nous n'en sommes pas là mais, déjà, le Mali a adopté une position de neutralité sur la question. Il ne vote plus dans les rencontres internationales ni pour le Maroc, ni pour la " RASD ". Il ne reçoit plus les représentants du polisario et/ou de la soi-disant " RASD " dans un cadre officiel. Voilà qui met Alger dans une fureur noire au point d’oser proposer ce chantage sordide à un haut dirigeant malien : " Ecoutez, nous, nous pouvons vous débarrasser en quelques heures de la rébellion à Kidal. Mais en contrepartie, le Mali doit revenir à sa position initiale par rapport à la RASD".

Le dirigeant malien a vu dans cette proposition la preuve que l'Algérie manipule la «rébellion touarègue». Et n'a pas manqué de le dire à son interlocuteur algérien. Depuis, tout va de travers entre Alger et Bamako.


Pression économique

Le Nord du Mali est une immense région désertique enclavée entre le Niger, l'Algérie et la Mauritanie, où l'activité économique est marginale. La région de Kidal, en particulier, respire par le sud algérien, principalement Tamanrasset. C'est par là qu'arrivent les produits vivriers et toutes sortes de marchandises. Périodiquement, l'Algérie s’évertue à rappeler au gouvernement malien que la survie de la région de Kidal dépend d'elle et d'elle exclusivement.

Quand une décision se fait trop attendre de Bamako, elle ferme la frontière, mettant les Kidalois au bord de l'asphyxie. Dès que Bamako se montre compréhensif, elle rouvre la voie à la circulation des marchandises. Ainsi va la vie au quotidien à la frontière entre l'Algérie et le Mali dans la région de Kidal.

Refus de coopérer contre le terrorisme

Régulièrement les journaux algériens aux ordres de Bouteflika dénoncent la passivité, voire la complicité du gouvernement du Mali et du président ATT avec le terrorisme et les réseaux criminels, en particulier les trafiquants de drogues. Par ces accusations, ils montrent le très peu de respect qu'ils éprouvent pour leurs lecteurs.


S'il y a un pays qui manifeste un manque total d'intérêt dans la lutte contre le terrorisme et les réseaux criminels, c'est bien l'Algérie.


C'est une évidence que seule la coopération sécuritaire entre les Etats se partageant la bande sahélo-saharienne peut venir à bout de ces fléaux. L'ayant compris, le Mali a autorisé ses voisins, y compris l'Algérie, à poursuivre sur son sol tous les terroristes, narco-trafiquants et preneurs d'otages ayant commis des actes répréhensibles sur le leur. Seul le Niger, à ce jour, a exercé ce droit de poursuite qui lui a été concédé par Bamako. Alger n'en a eu cure. Il avait accepté également la proposition malienne de créer des patrouilles mixtes pour sécuriser leur bande frontalière commune pour se rétracter ensuite au nom de sa " souveraineté nationale "

Le drame d'Abéïbara donne une idée de ce qu'est la coopération militaire algérienne. Ragaillardie par une première victoire sur les bandits armés, l'armée malienne s'était lancée à leurs trousses. Mais s'étant trop éloignée de sa base, elle se trouva en manque de nourriture. Elle sollicita l'aide de l'armée algérienne et, pour toute réponse, ne reçut que quelques bidons d'huile, boîtes de sardines et miches de pain. C'est l'ancien président des Etats-Unis, George Bush, qui sauvera les militaires maliens en leur faisant parvenir des vivres à bord d'un Hercule C 130 qui essuiera du reste les tirs des bandits armés.


Torpillage diplomatique

Le Mali s'échine pour organiser, depuis deux ans, une "conférence sur la paix, la sécurité et le développement dans la bande sahélo-saharienne". Elle n'aboutit pas pour une raison bien simple : Alger n'en veut pas. Dans un premier temps, il a exigé et, hélas, obtenu du Mali que le Maroc, pourtant Etat sahélo-saharien s'il en est, n'y prenne pas part. Dans un deuxième temps, il a demandé que la CEDEAO, la famille naturelle du Mali, ne participe pas au sommet, sauf à se contenter d'un statut d'observateur muet.

Pour une fois Bamako a dit non à son puissant voisin. Trop, c'est trop ! Et, au final, on semble s'acheminer vers une conférence internationale où il y aura tous ceux que les Algériens ne veulent pas voir : le Maroc, bien sûr, mais aussi la CEDEAO, l'Union africaine, l'Union Européenne, les Etats Unis d'Amérique. L'Algérie en sera-t-elle la grande absente ? Ce n'est pas à écarter.

Saouti Labass HAIDARA

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