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mardi 16 mars 2010

Pr Lahcen Haddad, militant des droits de l'Homme:" il faut une nouvelle génération au pouvoir à Alger pour résoudre le problème


Le conflit au Sahara continue d'empoisonner les relations entre le Maroc et l'Algérie.Devant l'impasse politique , la solution humanitaire pour les populations de Tindouf est de plus en plus évoquée.Cette solution est défendue par le Professeur Lahcen Haddad, chercheur et spécialiste des questions américaines.Pour ce militant des droits de l'Homme marocain, le conflit au Sahara a une dimension générationnelle qu'il faut tenir compte pour secourir les populations de Tindouf.Avant de quitter Genève où il a participé à la 13ème session du Conseil des droits de l'Homme, M.Haddad s'est prêté aux questions de notre reporer...

Africaguinee.com:Bonjour M. Haddad.Vous venez de participer à la 13ème session du Conseil des droits de l’Homme à Genève.Avez-vous obtenus des résultats par rapport à la situation des droits de l’Homme au Maroc?

Lahcen Haddad: Je crois que les résultats obtenus ici sont bons dans la mesure où, on a expliqué le processus de consolidation des Droits de l’homme au Maroc. Nous avons aussi obtenu des résultats par rapport à la sensibilisation des associations des organisations internationales par rapport à la situation des droits de l’homme dans les camps de Tindouf sur le territoire algérien.

L’un des moments forts de ce conseil des droits de l’Homme a été la publication du rapport sur la situation des droits de l’Homme au Maroc.Quels sont vos sentiments suite aux reactions de la communauté internationale concernant ce rapport?

Il y a beaucoup de pays qui ont parlé de l’expérience marocaine dans le domaine de la réconciliation, de la vérité et je crois qu’ils ont salué les efforts du maroc dans ce sens.Il y a même des experts qui ont affirmé que l’expérience du Maroc en matière de vérité et de reconciliation est très importante et exemplaire.Il faudrait donc l’étudier pour voir quelles sont les pratiques qu’on peut tirer pour d’autres pays qui veulent revoir les abus de droits d’homme dans le passé..Je crois que l’acceuil a été important pour ce rapport .Il faut dire aussi que l’évaluation des progrèS depuis la publication de ce rapport de la commission d’équité et de réconciliation est différente.Il y a des observateurs qui affirment que le Maroc a avancé dans le cadre des disparitions, des indemnisations individuelles ou communautaires pour les victimes d’abus des droits de l’Homme dans le passé;mais qu’il y a des progrès à faire en terme de gouvernance, de changements dans les textes de loi pour mieux garantir les droits de l’Homme ainsi que la ratification des conventions en matière de droits de l’Homme.A côté de cette vision optimiste, il y a des observateurs qui affirment qu’il faut mettre en oeuvre les récommandations. Mais je pense qu’il y a plutôt un problème de communication de la part du conseil des droits de l’Homme , des instances qui s’occupent de ce dossier et il faut plus de communication avec les victimes concernées. C’est donc un travail colossal qui a été fait au Maroc, mais l’évaluation du rapport a porté beaucoup plus sur la communication que sur le fond et les acquis obtenus au Maroc.

Est-ce qu’on peut dire qu’à travers ce rapport, les années de plomb que le Maroc a connu,sont définitivement tournées avec le règne de sa majesté le Roi Mohammed VI?

Je crois que oui! Il y a eu beaucoup d’avancées et la société se dirige de plus en plus vers un Etat de droit.Je crois que les droits des personnes sont de plus en plus respectés dans le royaume même en cas de conflit avec la justice dans le cadre de leurs droits politiques ou d’expression.Il y a malgré tout des progrès à faire dans la garantie de la liberté d’expression, car il y a un vide juridique à combler.Il y a aussi la gouvernance en terme de système sécuritaire, il faut une amelioration dans le cadre de la réforme de la justice.Je crois qu’on a dépassé le stade où il y a des violations systématiques des droits de l’Homme.Nous sommes à un stade d’évaluation de la situation et on regarde vers l’avenir.Avec le passé, on a essayé d’indemniser les victimes , de réconcilier les communautés.Malgré tout, il y a encore des progrès à faire.On s’achemine donc vers un Etat de droit au Maroc qui respecte les droits de l’Homme et il y a pas mal de choses qui ont été faites par rapport à ce qui se passé dans d’autres pays.Pour les organisations des droits de l’Homme et les militants, il faut toujours aller de l’avant.Actuellement dans le royaume, tout le monde travaille ensemble notamment les ONG, associations, le gouvernement marocain, la presse, etc…pour combler le vide et instaurer un Etat de droit.Et cette volonté politique des autorités marocaines, il faut la saluer car il faut qu’on aille de l’avant ensemble.

L’autre point discuté au conseil des droits de l’Homme, c’est le sort des populations retenues dans les camps de Tindouf.Avec le blocage des négociations politiques concernant le Sahara, quelles solutions préconisez vous pour sortir de l’impasse?

Je pense que le problème se trouve à deux niveaux.D’abord il y a un problème de droits de l’Homme dans les camps de Tindouf. Ces camps se trouvent sur le territoire algérien. L’Algérie sous-traite la gestion de ces camps pour le Polisario.Ce qui est illégal du point de vue des conventions internationales.Ensuite l’Algérie considère que les populations séquestrées dans les camps de Tindouf sont des réfugiés..Alors s’ils sont des réfugiés, il y a des conventions internationales notamment celle de 1958 sur le statut des réfugiés et le protocole de 1957, la convention sur les réfugiés dont l’Algérie est signataire.Par consequent, ces conventions précisent qu’on ne peut pas séquestrer, confiner des populations dans des camps.Ce qui arrive aux populations saharaouies, c’est qu’elles sont séquestrées dans ces camps depuis 30 ans sans pouvoir bouger alors qu’elles doivent avoir la liberté de mouvement en Algérie, en Mauritanie etc…Ce qui n’est pas le cas!Ces populations doivent aussi avoir un revenu, une identité, mais l’Algérie et le Polisario refusent le récencement de ces populations.En plus l’aide humanitaire est fournie à une population estimée à 125.000 personnes alors qu’il y a des rapports qui disent que ces populations sont de 190.000 ou 140.000.On ne sait rien faute de récencement.Pire, cette aide humanitaire est utilisée à d’autres fins.

Ensuite, il y a le volet politique.Je pense qu’il faut aller dans le sens du gagnant-gagnant.Il y a le Polisario et l’Algérie qui disent que l’autodétermination est la seule solution au problème à travers le réferendum.Mais on a essayé de faire un referendum , en identifiant les personnes dans les années 90; mais en 1999 on s’est retrouvé avec 120.000 personnes qui n’étaient pas identifiées.Cela veut dire qu’on allait se retrouver avec une possible exclusion de ces personnes comme le réclament le Polisario.Ce que le Maroc n’a pas tenu compte pour éviter qu’il y ait d’autres mouvements de guerilla.C’est donc un échec.L’option gagnant-gagnant s’articule sur la proposition marocaine relative à l’autonomie du Sahara.Cette proposition est très interessante car les populations saharaouies auront toutes les competences exceptées celle du drapeau et des affaires étrangères.Mais la gestion de leurs ressources, les élections internes, les compétences juridiques seront reconnues.Mais le Polisario refuse cette proposition marocaine à cause de l’Algérie qui veut un Etat dépendant du pouvoir à Alger, un accès à l’océan atlantique pour mieux encercler le Maroc.Je crois que c’est un conflit qui dure parce qu’il y a des générations qui vivent toujours avec les données de la guerre froide notamment en Algérie. Je crois que cette solution du gagnant-gagnant ne sera possible que lorsqu’on aura une autre generation au pouvoir à Alger et au niveau du Polisario.

Avant de terminer, un mot peut-être pour la communauté internationale concernant le conflit au Sahara?

Les attentes du Maroc par rapport à la communauté internationale, c’est de faire la lumière sur les problèmes de violences, de deportations d’enfants vers Cuba, de sequestration des populations y compris les femmes enceintes dans les camps de Tindouf.La Communauté internationale à travers l’ONU, les organisations internationales doivent faire pression sur l’Algérie pour qu’elle assume ses responsabilités par rapport aux populations de Tindouf.Ensuite, il faut aller dans le sens de la resolution du problème humanitaire.Car je crois que si le problème humanitaire est résolu, la solution politique viendra très vite.Une fois que les droits des populations de Tindouf seront respectées, ce sera le début d’une solution au problème du Sahara. Je crois profondéement que c’est ça le défi pour la communauté internationale.

Interview réalisée par Ismael Barry
Pour Africaguinee.com

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